jeudi 31 janvier 2008

Colère rentrée



Ce n’est pas prudent de me fixer comme ça.

Vous ne devriez pas insister.
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Ne vous laissez pas attendrir par mon regard de gros chaton ni par ma pose indolente.

Je veille et me tiens prêt à bondir à la moindre alerte…je suis sur les crocs, sachez le.
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Elle monte, elle monte, cette colère sourde...

Et où qu’il est le gentil chien-chien ? hein? Mais où qu’il est parti le drôle de ouah-ouah ?

GRRRRRRRRR…………..

Elle monte, elle monte, cette colère sourde. Faut pas me chauffer aujourd’hui ! Petit Bug est devenu un grand sauvageon, un tigre indomptable, résolu à faire taire les gesticulateurs et les teigneux d’un seul coup de patte.

J’ai les moustaches qui frémissent au moindre courant d’air, les oreilles qui se dressent au simple vol d’un moucheron, et sous mon magnifique pelage, mes puissantes pattes sont prêtes à se détendre, comme des arbalètes. Je ne suis rien que de l'énergie sous tension. Electrisez-moi et vous aurez droit à votre décharge !

Moi, je serai une espèce menacée ? Veut-on me provoquer ?

Qui c’est, le gentil bébé qui va donner sa papatte ? ARGGGGH ! La voilà ma jolie papatte ! Faut pas me chauffer aujourd’hui, j’ai dit ! Qui a ri ? J’ai entendu quelqu’un rire !

Y a méprise là ! Un félin de mon envergure n’a pas du tout le sens de l’humour !
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Personne ne m’a encore entendu rugir ? C’est normal, parce que je feule, moi, je ne rugis pas ! Et le feulement, c’est bien plus inquiétant car c’est un cri intériorisé, c’est un souffle craché, venu des tripes. C’est l’expression meurtrière de mon plus profond mépris.

Je tétanise qui je veux avec mon feulement.

Oui, je suis un superprédateur, moi, qui tétanise n’importe qui…

N’importe qui... sauf peut être cette misérable tique, cet abominable parasite qui a enfoncé ses sales crampons dans ma propre chair et qui, sans vergogne, fait de mon sang un joyeux festin à en faire éclater son hideuse tête, et tout ça sous mon nez! Cette méprisable larve qui, immobile depuis des heures, se repaît tranquillement de mon fluide magique dont j'aurai tant aimé qu'il soit du venin…

Et pendant ce temps, je rumine, je rumine ma colère… à devoir attendre patiemment que ma patronne vienne encore me tirer de ce pétrin.

Bug, le chien lune à tiques

mardi 29 janvier 2008

Joyeuse regression

C’est drôle cette sensation de voir ses facultés s' échapp… OUAH ! OUAH !

C’est comme si les mots se vidaient de leur substance pour .. ARF ! ARF ! ARF !

A moins que ce ne soit mon instinct qui reprend le dessus sur toutes ces… WAN ! WAN ! WAN ! WAN ! WAN ! WAN ! WAN !

Je renonce à faire des phrases, en espérant que vous aurez un peu d’indulgence pour un chien heureux qui se contente d’aboyer. OUAH! OUAH! OUAH!

lundi 28 janvier 2008

Quand j'irai à Ouarzazate...



Je laisserai derrière moi les hauteurs du Toubkal, et continuerai mon avancée dans ce monde minéral pour atteindre la vallée des Roses.
En plein cœur du Haut Atlas, je m’élèverai alors en montgolfière et sans effort, je parcourrai du regard ce labyrinthe de vallées et de gorges splendides en savourant un thé à la menthe qui sortira, fumant, de ma bouteille thermos.

Je bazarderai gaiement par-dessus bord le téléphone portable, l’agenda électronique et la montre. Telle une particule en suspension, je me sentirai invulnérable, si ce n’est que ma vie tiendra au seul ronflement de la montgolfière.

Le temps m’appartiendra et l’air m’enveloppera de sa douceur infinie. Je m’inventerai une musique pour compenser la désintégration de mon MP3 dans les airs et cette exquise mélodie accompagnera ma traversée de la vallée du Dadès, au dessus de l’Oued. Je voguerai ainsi à la rencontre du Mont M’Goun.

En chemin, je verrai lentement défiler ce paysage enchanteur animé de temps en temps par un voile de poussière dorée dansant au dessus des crêtes sauvages : la danse du voile, grandeur nature !

J’atterrirai en douceur là où le souffle du désert aura bien voulu me conduire, et me joindrai aux réjouissances d’un peuple berbère, réuni miraculeusement autour d’un tajine d’agneau aux pruneaux, parsemé d’amandes émondées et accompagnés d’oignons caramélisés (40 minutes de cuisson sur feu moyen, n’oubliez pas d’ajouter la cannelle en fin de cuisson et de diluer le miel). Le vin sera bon, et fera oublier la fraîcheur soudaine de la soirée. Le narguilé conclura ce repas et grâce à ce doux transport, nous nous laisserons gagnés par la magie de cette vie, faite pour s’écouler paisiblement et joyeusement.

J’inspirerai profondément cet air délicat et savourerai chaque parfum. L’odeur de fleur d’oranger finira de me faire sombrer dans un faux-sommeil, meublé d’immensités désertiques, d’oasis intemporelles et de danses berbères.

L’ascension du M’Goun attendra. Les projets ambitieux attendront. L’action ne sera plus un moteur.

Voilà ce que j’aurai appris quand je reviendrai de Ouarzazate.

Pour l’instant, je retournerai bien dans ce resto marocain du quinzième arrondissement. On pourra prendre la voiture si l’A 13 n’est pas bouchée, sinon ce sera le RER, correspondance au Pont de l’Alma. Tant pis pour la montgolfière, je ferai confiance au pouvoir de l’imaginaire.


PS : j’avais de magnifiques photos de Ouarzazate mais je trouve que ce tajine a un pouvoir encore plus évocateur. Enfin, ce sont mes goûts personnels de chien gastronome.

lundi 7 janvier 2008

Juste pour notre Bouille

J’ai perdu une amie au tout début de l'année.

C’est bizarre parce que moi, je ne souffre pas trop de son absence. Nous les chiens, nous sommes juste attentifs à la bonne santé de ceux qui nous hébergent et qui nous nourrissent. C’est un peu égoïste mais c’est comme ça. Je n’ai jamais dit que nous n’avions que des qualités.

Par contre, je suis très peiné pour ses maîtres. Je suis toujours plus sensible à la tristesse des humains que des chiens.

Je me dis que ma patronne a eu une sacrée chance parce qu’elle a eu le privilège de partager avec Bouille et ses maîtres ses dernières vacances d’été, dans l'Ardèche. En fait, elle n’a pas fait trop attention à leur Bouille durant cette belle semaine parce que la chienne semblait déjà très fatiguée et un peu absente.

C’est comme ça, on ne s’intéresse plus à vous quand vous arrêtez de vous agiter. C’est pour ça que je m’agite tout le temps, simplement pour qu’on ne m’oublie pas.

Sa bonne humeur et sa vivacité légendaire l’avaient déjà un peu quittée, en ce mois magnifique d’août 2007. Elle était juste calme et sereine parce qu’elle savait que ses derniers mois, ses derniers jours, elle les finiraient avec ceux qu’elle a toujours aimés, toute sa vie.

C’est beau l’amour sous haute fidélité. On n’a plus peur de rien.

C’est notre seul privilège, nous les chiens. Les hommes nous sont toujours fidèles. En fait, il n’y a pas de juste milieu avec les chiens : soit on nous attache à un tronc d’arbre, soit on nous aime toute notre vie.

C’est un peu la roulette russe. L’avantage, c’est qu’on est en général fixé très rapidement.

Moi, c’est un peu particulier parce que j’ai été abandonné deux fois. Il a fallu que je tombe sur quelqu’un d’aussi taré que moi pour prétendre à une certaine stabilité.

Bouille, elle a gagné au premier coup. Dès sa naissance, elle est bien tombée. Elle avait même adopté des comportements d’humains alors que moi, je ne suis pas encore très au point.

Je me demande souvent comment elle réagirait, la patronne, si je disparaissais. A mon avis, elle serait perdue car elle n’aurait plus la chance d’avoir mes petites leçons de philosophie quotidiennes, plus ou moins pertinentes c’est vrai.

J’ai une idée géniale ! je vais faire plein de conneries d’avance, que je vais bien cacher.

Comme ça, lorsque je ne serai plus de ce monde, elle les découvrira petit à petit et je continuerai à distiller par petites doses toute ma grande sagesse.

Ça me fait penser à un roman à l’eau de rose Le Zèbre. C’est un peu mièvre mais l’idée présente au moins le mérite de m’occuper les prochains jours. Et puis, je vais le faire en hommage à notre Bouille.

Car oui, notre Bouille mérite un bel hommage.