mercredi 5 janvier 2022

Un chien ne devrait pas dire ça


Me voilà presque devenu mendiant, comme le voudraient les hommes.

Me voilà à mendier le regard du plus grand nombre sur les choses de la vie, à vouloir faire miens les besoins essentiels qui gouvernent la collectivité. 

Je voudrais me conduire en bon animal de société, et réduire au silence ce mauvais esprit qui me souffle de m'isoler de la meute, qui me dit que la meute est malade car, à force de combattre, elle ne sait plus ce qu'elle combat. 

Une mauvaise partie de moi travaille ainsi à mon exclusion.

Et cependant, une vertueuse partie de mon être voudrait parvenir à accueillir avec optimisme toutes les injonctions désordonnées mais quasi unanimes qui sonnent à mes oreilles. Ai-je besoin de vraiment comprendre ce qu'il se passe au dessus de moi?

Après tout, quand ma maîtresse crie mon nom, j'accours. Quelle différence avec ce qui m'agite? Il n y a aucun mal à se soumettre.

Non, aucun mal, à partir du moment où mes convictions intimes et mon élan vital m'ordonnent de me soumettre. A défaut, ma docilité ne sera qu'apparente, et n'apportera rien de bon à la collectivité. 

C'est ce que me murmure à nouveau cette perfide petite voix intérieure qui ne veut pas entrer en sommeil.

Voilà pourquoi je suis conduit à mendier aujourd'hui le regard du plus grand nombre, à envier les convictions des gens rationnels, celles qui me débarrasseront de mon mauvais génie. 

Ne peut-on m'hypnotiser, me droguer, et m'injecter au plus profond de mon être une douce musique lancinante, qui m'emplira d'un sentiment éternel de confiance et d'absolue reconnaissance, sans que je n'ai plus besoin de questionner mon âme?

J'aspire à une meilleure intégration au sein de la Société des hommes et cela ne peut se faire sans une parfaite obéissance à leurs vérités qui sont de plus en plus nombreuses, qu'elles soient philosophiques, politiques, scientifiques.

Nous en avons discuté âprement, au Haut Comité de Santé Canine (le HCSC) car nous sommes tous concernés, nous les chiens, par les lois qui gouvernent les hommes.

De ces lois, dépendent en effet leur état de santé physique et mentale, état qui nous affecte à moyen terme, par la théorie du "ruissellement".

Près de la moitié des membres de notre Comité, martelaient qu'il nous fallait, nous les chiens, renouveler notre confiance aux hommes et à leur politique en matière de Santé. Ils rappelaient que la France est officiellement indemne de la rage depuis 2001, grâce au vaccin qui fut un temps obligatoire. Nous devions donc accueillir le nouveau vaccin avec esprit de confiance et l'assurance que les humains en tireraient un profit évident.

Les autres soutenaient, furibonds, que le vaccin des hommes de 2021, n'a jamais été un vaccin mais un traitement à renouveler tous les trois mois, prescrit de façon massive et aveugle, sans aucune évaluation du bénéfice médical pour chacun. Pire, ce traitement, précisément, pourrait les rendre de plus en plus enragés. Si la Rage avait disparu depuis 2001, elle avait réapparu, sous une autre forme, de la façon la plus virulente qui soit, avec de graves répercussions à prévoir pour la race canine.

Finalement, tous les membres du Comité ont convenu que si les hommes en venaient à se détester entre eux, autour d'une simple seringue en plastique, ils auraient encore moins de scrupules à frapper et à abandonner leur chien. 

Nous déplorons déjà, dans les sociétés des hommes de graves morsures qui laisseront des séquelles indélébiles dans les liens familiaux et amicaux.

Or, le HCSC a pour objectif de préserver l'Amitié, sous toutes ses déclinaisons. Du lien entre nous, et entre les espèces, dépend notre santé. C'est notre bien suprême, celui sans lequel notre race aurait depuis longue date dégénérer jusqu'à disparaître. 

C'est la raison pour laquelle nous demandons au Président de la République Enragée de s'expliquer sur sa stratégie lorsqu'il indique vouloir éradiquer définitivement le virus en couvrant de Merde  un dixième de ses administrés (le mot Merde a pris une majuscule depuis qu'il est devenu un terme présidentiel).

Après un débat nocturne et houleux, Le HCSC a déclaré qu'il assumait être en total désaccord avec la stratégie de l'"emmerdement" des récalcitrants, et demande officiellement au Président de La République  Emmerdée, le retrait du Plan Marron qui doit être mis en œuvre courant janvier.

La "petite" phrase du Président de La République En Morceaux a fait aussi très forte impression  chez les humains. De plus en plus se demandent si leur Maître n'est pas devenu fou, mais de cette Folie assassine, de cette Folie qui condamne, qui méprise, qui décrète la mise à mort sociétale d'une partie de la population. D'autres soutiennent qu'il s'agirait d'un machiavélique calcul politique.

D'un point de vue qui m'est très personnel, je pense que ce serait une erreur de dramatiser la parole débridée d'un Président qui, fatigué d'être anormal, cherche désespérément la normalité par la vulgarité.

Je préfère donc me laisser gagner, comme toujours, par mon indulgence, et surtout mon profond amour des hommes. Au fond de moi, et dans le secret de mes délibérations que je ne révèlerai pas à l'intransigeant HCSC, j'ai de l'amitié pour le Président de la République Est Malade.

Car oui, lui au moins a compris le bonheur libérateur que j'éprouve à me rouler moi-même dans la merde, et davantage encore dans la bouse de vaches des Hautes montagnes (il y a bien longtemps que je n'ai pas renoué avec ce plaisir). 

C'est un blanc-seing présidentiel qui est donné à tous ceux qui n'osent pas publiquement s'emmerder, et j'en ferai bon usage dès que la loi de l'emmerdement maximum sera votée par le Parlement.


NB: Extrait de l'Express du 5 janvier: "En ce début d'année, Emmanuel Macron a décidé de miser sur l'offensive. Dans une interview accordée au Parisien, le chef de l'Etat l'affirme : il veut "emmerder" les non-vaccinés. 

Fort heureusement, le lendemain, une bonne fée a élevé la voix pour redonner espoir aux français et a promis d'assurer leur sécurité générale en ressortant "le Karsher de la cave".

Et moi, petit chien invisible recueilli par la SPA après avoir connu la violence, et la profonde laideur de l'autorité incontrôlable, je me fais la promesse de ne plus prendre au mot ces champions de la formule qui blesse. Je traîne encore trop de plombs à volatile dans mon derrière!