samedi 27 mai 2023

Une chienne à se damner

                         



Elle est arrivée chez nous, hagarde et désorientée, zigzaguant  fébrilement dans le salon dans l’espoir de retrouver, parmi toutes ces odeurs nouvelles, au moins une qui lui serait familière, elle qui venait de si loin et qui avait traversé tant de paysages.

Je décidai de ne pas lui prêter attention tant j’étais convaincu qu’elle n’était que de passage mais il me fut impossible de l’ignorer très longtemps: elle sautait sur tout le monde de façon névrotique, croyant que l’amour pouvait s’attraper ainsi, aussi facilement qu’un petit oiseau, et qu’il suffisait d’être vif et agile pour s’en saisir.

La petite chienne efflanquée et insignifiante tenta même sa chance auprès du chat, trop heureux de lui administrer une correction en réponse immédiate à ce besoin impudique et pressant d’attachement.

Je ne pus dissimuler mon plaisir à la voir ainsi remise à sa place.

En réalité, j'avais honte pour mon espèce. Elle m’exaspérait à mendier de l’affection en vrac, à n’importe qui et à n’importe quoi.

C’est à cause de ce genre de ratier que nous sommes déconsidérés aux yeux de la plupart des humains.

Les hommes peuvent bien, en toute impunité, nous malmener, nous abandonner, nous affamer, ou nous faire reproduire à des fins mercantiles puisqu’ils savent que nous ne connaissons ni l’orgueil, ni la rancune.

Pire, il existera toujours des crétins de chiens pour continuer à s’avilir devant eux, offrir leur flanc à leurs caresses, et leur jeter un regard empli d’admiration.

Plus je la regardais, plus je me détestais. 

Moi qui croyais avoir acquis un certain rang, moi qui croyais notre espèce capable de s’élever, et de faire trembler le plafond de verre qui sépare les chiens des hommes, je fulminais de voir cette petite allumeuse se vautrer dans l’abjection, et nous ramener, avec autant d’évidence, à notre condition d’animal domestiqué, éternellement vil, gesticulant et inutile.

Elle devait pourtant bien comprendre qu’elle n’était là que provisoirement, en vue de sa future adoption.

Nous étions sa famille d’accueil pour un mois. Après tout, ce n’était pas un drame. Cela faisait plus de deux ans qu’elle vivait en transit, à tel point que même ses intestins se croyaient aussi en transit : ils n'osaient plus trop fonctionner, perturbés à force d’être nourris par des mains toujours différentes.

Un éducateur est venu, qui devait la prendre en observation pour une semaine et éventuellement la présenter à un candidat à l'adoption. Ils ont tous parlé au-dessus de la chienne, qui d’un seul coup ne bougeait plus, sans doute intimidée par la voix claire de son futur mentor. 

L’homme lui a mis un collier rouge, et l’a caressée. Elle a accepté cela sans broncher, bien évidemment. Il était rassurant et savait y faire avec les chiens. Pour un peu, je l’aurais suivi moi aussi.

Puis, elle a emboîté le pas de son nouvel entremetteur, vers la sortie,  et n’ayant plus le cœur à sauter, n'a même pas jeté un seul regard de regret en direction de mes maîtres. 

L’ingrate.

Pauvre petite idiote à toujours tout accepter, à tout espérer pour finalement se résigner facilement. A coup sûr, elle recommencera son numéro de chienne voltigeuse en un autre endroit, voilà tout.

Avait-elle au moins une idée de ce que c’était, s’attacher vraiment ? A t’elle éprouvé au moins une fois le noble attachement du chien envers son maître, homme, femme ou enfant?

Curieusement, ce jour-là, seul le chat l’a regardée s’éloigner, avec une insistance trouble.

Il est resté figé, assis dans un coin du couloir, ne quittant pas la porte des yeux, même une fois refermée. Si je n’avais pas surpris le chat ainsi, cette créature insondable qui semble toujours flotter entre deux mondes, à la croisée de tous les mystères, je n’aurais jamais pris conscience de ma cécité.

Il m’est apparu évident qu’une correspondance secrète avait eu le temps de s’établir entre la vagabonde et le Moustachu, à l’insu de tous et, je crois même, à leur propre insu.

Je devais admettre une chose : si la chienne avait provoqué de l’émoi chez le chat, c’est bien qu’elle devait avoir des capacités inhabituelles pour un canidé.

Le jour d’après, et de façon énigmatique, le manque s’est installé sournoisement en moi. Je le trompais  en disséquant ce qui restait de l’odeur de la chienne, sur le coussin vert qui avait été disposé tout spécialement pour elle, au pied de la table basse.

J’explorai alors une odeur d’une complexité incroyable...

On y retrouvait bien sûr le sillage âcre et musqué qui caractérise la note de fond chez le chien, mais s’y mêlaient des senteurs plus solaires, qu’on aurait pu croire issues d’un assemblage subtil de jasmin et d’eucalyptus. D’où pouvait-elle donc venir, cette petite écervelée ? Parfois, la résurgence d’une ancienne odeur de goudron brûlant venait contrarier la délicatesse de ce parfum, mais passé une première réaction de recul, j’y revenais, comme attiré par toutes les promesses d’aventures qui en émanaient.

Elle devait avoir bourlingué bien plus que moi.

Jaloux de toutes ses expériences dont je me sentais novice, je me surpris en train de me rouler avec délectation sur le coussin vert. Le chat me fixait, mais ce n’était plus avec dédain. Avait-il compris ma solitude nouvelle?

Décidément, des choses étranges se passaient depuis son départ.

J’ai bien du mal à exprimer cela, à hauteur de chien, mais pour la première fois de mon existence, l’amour dont j’étais gratifié et qui me rendait si heureux, ne me paraissait plus fournir une réponse suffisante au sens de ma présence ici, au sein de mon foyer. Ma vie était incomplète. Il me manquait un savoir, une connaissance. 

Je n'avais jamais obéi qu'à l'appel de la forêt. Mais aujourd'hui, c'était l'appel de l'inconnu qui me tourmentait.

Au bout d’une semaine, elle nous est revenue. Elle fut étonnée de ce retour, et encore plus de la joie qui débordait de moi. 

Je compris qu’elle ne nous quitterait plus lorsque mon maître l’affubla de petits noms : Choukie, ou parfois Chouquette.

Personne ne savait ce qu’elle était véritablement, si ce n’est qu’elle nous venait du pays bleu. Sur le carnet de santé portugais, il était écrit à la ligne « Race » : Indefinade.

Cela m’est apparu anormal. Il y a toujours un morceau de race identifiable chez un chien, une caractéristique physique qui trahit ses origines, mais manifestement, ce n’était pas le cas pour elle, qui demeurait un mystère.

Puis un jour, alors que nous étions en balade, un grand type nous a accosté, pour nous demander avec excitation si c’était bien un Podenco qui nous accompagnait. « Un quoi ? » a réagi ma maîtresse. Un « PODENCO », ce qu’elle s’empressa de taper sur son smartphone, dans la barre de recherche.

Il en est apparu le portrait exact de Chouquette, ou Choukie, ou encore Cindy rebaptisée en dernier lieu Indie.

J’appris ainsi que la chienne aux multiples noms, sans identité, sans origine, sans passé, mais à l’odeur des contrées lointaines, faisait partie d’une race autrefois sacrée, aujourd’hui déclassée et devenue le souffre-douleur des tortionnaires de chiens en Espagne et au Portugal.

Indie serait la descendante de chiens primitifs, de magnifiques lévriers apparus en Egypte il y a de cela au moins 4000 ans ! Et savez-vous ce qui a trahi son secret ? De grandes oreilles très mobiles, qu’elle aplatit quand elle veut passer inaperçue, et qu’elle déploie de toute leur longueur, au-dessus de sa fine gueule lorsqu’elle sent flotter autour d'elle une âme...en transit.

Indie, ma Princesse, est la descendante du Dieu Anubis, le Dieu-Chien qui se mêle de faire la pesée des cœurs avant d’introduire les morts dans l’autre monde !

Je compris alors l’ascendant qu’elle avait eu sur le chat, ainsi que le sentiment de vide étrange qui m’avait chamboulé, lorsqu’elle nous avait été retirée. La race d'Indie connait le passage vers le monde ténébreux qui terrorise les hommes, et dont les chiens ordinaires ne soupçonnent même pas l'existence.

Ma Diablesse n’a peur de rien, ni de la vie, ni de la mort. Instinctivement, elle sait que son destin ancestral est d'être un pont entre les deux.

Indie, une petite allumeuse, j'ai osé dire ? Oui, je maintiens, ma Douce, et je sais que j'aurais besoin de toi, un jour, pour défier l'obscurité.

Indie, ma voyageuse intrépide, je veux me prosterner à tes pattes. Tu as fait bien plus que de faire trembler le plafond de verre entre les humains et les chiens, tu l’as pulvérisé puisque te voilà promue dans mon cœur divinité et gardienne de mon âme immortelle.

Et quant aux hommes qui t'ont fait souffrir, ils vont moins faire les malins. Car de toi va dépendre le salut de leur âme! 



NB: cette histoire est vraie, mais il existe aussi une autre vérité: Indie, connue d'abord sous le nom de Cindy, a été recueillie au Portugal par Cinderela, la bienfaitrice des chiens, et placée sous la protection d'une association remarquable.  Son histoire a circulé du Portugal jusqu'à un magasin de Vélizy (Yvelines- France), et son cas a été plaidé par Annie devant une cliente qui n'est autre que ma maîtresse. Est-il vraisemblable qu'une cliente venue acheter un tapis kilim, reparte avec un bon de commande pour une chienne au destin cabossé? Non, c'est pourquoi la première histoire reste la plus vraisemblable, qui se trouve dans l'exacte continuité de celle-ci. C'est donc celle qui a été rapportée.




vendredi 17 février 2023

Souriez, ici on vous exhausse!

Photo Rétro Carnac | Facebook
Contact - Photo Rétro Carnac (photo-retro-carnac.fr)


Je me rêve parfois en chien d'aventurier vieillissant ou de capitaine déchu. 

Avec ce nouveau compagnon, nous marcherions sur le chemin de la consolation,  en quête d'un abri lointain, protégé du vent et des ambitions humaines.

Il nous viendrait alors de drôles d'idées, et des projets aussi fous que les rêves merveilleux qui se bousculent dans la tête des enfants.

Mon pirate repenti confectionnerait des filets aux pouvoirs magiques. Assis à ses côtés, je tromperais mon ennui en humant des odeurs de barbecue. A l'heure du déjeuner, les gros poissons à chair ferme passeraient directement de l'épuisette enchantée à ma gueule accueillante, et mon compagnon imaginaire se réjouirait de mon bonheur en tirant sur sa pipe, le temps je finisse mon repas.

Il me prierait ensuite d'aller le promener et je le laisserai s'ébattre librement dans les champs, sans laisse, car j'aurais parfaitement éduqué mon homme de compagnie au rappel.

Tout cela n'arrivera pas bien sûr. Mais rien ne m'interdit d'y rêver... pourvu que je reste discret. 

Non pas qu'il s'agisse d'un rêve honteux, bien au contraire, mais les hominidés ont la manie d'assassiner les rêves en proposant toutes sortes de services pour vous inviter à les réaliser.  Ils ont la conviction que les désirs inassouvis ne mènent qu'à la frustration, l'aigreur ou le ressentiment.

C'est pourquoi un homme préfèrera toujours investir dans un coach que dans un chien. Selon eux, le premier vous aide à évoluer dans la réalisation du Moi fantasmé, tandis que le second vous conforte dans votre routine...Excepté si votre chien est lui-même coaché.

Et c'est bien ce qu'a voulu entreprendre ma maîtresse lorsque je lui ai confié mon rêve, à vivre d'eau fraîche et de pêche, aux côtés d'un compagnon obéissant.

« Si tu es certain de vouloir cela, mon brave chien, fonce! Libère toi de ces liens qui te plombent et trouve toi un aventurier sur le retour. Ta vie est courte, tu dois connaître autre chose que la Nationale 12 qui nous mène chaque jour à mon bureau. Le plus grand changement que tu connaîtras ici, est de changer de voiture, non de chemin ».

Je la regardai, interrogateur mais intéressé. Elle poursuivit :

« Nous allons planifier, ensemble, chacune des étapes d'accession à ton idéal de vie. A notre époque, il est impossible de ne pas parvenir à se réaliser, même pour un chien. Je vais t'aider à trouver le partenaire idéal, et, encore plus important: à accoucher de ton Moi intérieur!».

Et voilà comment ma maîtresse a fomenté une méthode parfaite pour tuer mes idéaux, en me persuadant qu'elle avait l'obligation morale de m'aider à les exécuter.

Comme elle est plus paresseuse, que victime d'un volontarisme forcené, elle s'est contentée de traverser la rue pour trouver un moyen rapide de mettre mon rêve à l'épreuve. Mon maître a également été forcé de nous accompagner. Selon elle, ils se devaient, tous les deux, de m'aider à m'accomplir.

Un homme nous a ouvert la porte, de l'autre côté de la rue. Il arborait une moustache bien plus raffinée que la mienne et nous a observé d'un air mutin que j'ai trouvé prometteur. Son regard compréhensif s'est posé longuement sur moi, pendant que ma maîtresse virevoltait entre les costumes anciens proposés à la clientèle. Elle s'émerveillait des capes brodées, des taffetas précieux, et même d'une très vieille machine à écrire, qui nous projetaient tous dans les années 1900.

Tout cela n'avait rien à voir avec moi mais elle s'enflamma pour une redingote de tweed qu'elle s'empressa d'essayer pour s'imaginer en Sherlock Holmes, puis elle changea d'idée. Trouve t'on des perruques en cet endroit?

Elle aimerait tellement exhiber de belles boucles blondes sculptées avec précision, et les laisser tomber en cascade sur ses épaules découvertes, pour sublimer un décolleté resserré par une robe-bustier. Elle finit par s'énerver, ne trouvant pas de bottines à sa pointure et exigea en compensation une ombrelle rose poudrée.

Désorientée par tous les possibles offerts à la clientèle, elle s'imaginait endosser tous les rôles, de l'enquêtrice redoutable à la femme du monde, de l'écrivaine assidue à la mère-courage, du médecin de campagne à l'institutrice de village.

L'homme s'impatienta : « Vous m'aviez dit vouloir essayer le rêve de votre chien, non ? »

Elle se raidit d'un seul coup, me regarda d'un œil mauvais, et reposa l'immense chapeau à plumes dont elle venait de se saisir.

« J'ai trouvé ! » S'exclama mon maître. Nous nous retournâmes, et là, ce fut le coup de foudre, la révélation, le rêve en action ! 

Une magnifique casquette de commandant couvrait la tête de mon maître qui, d'un geste assuré et fort élégant, porta à sa bouche une pipe ancienne, façonnée dans du bois de Bruyère. Il avait revêtu une superbe culotte de nuit rayée, et se dirigeait fièrement vers le décor préparé par le photographe. 

On aurait dit un capitaine de navire en télé-travail, casquette d'apparat en haut et caleçon avachi en bas.

Il personnifiait, avec un art consommé de la transgression, mon rêve d'aventurier en fin de course!

Ma patronne fut priée d'abandonner son intimidante cape de tweed, pour se glisser dans un costume de moussaillon. Sa grande loupe à main fut remplacée par une épuisette, et le couvre-chef du célèbre détective par une ordinaire casquette de marin.

Tout cela n'avait aucun sens mais c'était bien mon rêve.

Je pris place sur l'unique siège du décor, au premier plan, encadré d'un homme et d'une femme qui avaient eu la bonté de donner forme à mes songes.

La première prise fut la bonne.

Par souci d'excellence, l'artiste photographe voulut faire une seconde prise. IL s'agissait de capter le regard perdu de ma patronne qui rêvait encore à son ancienne parure.

Le professionnel leva au-dessus de sa tête une girafe en caoutchouc, pour attirer les regards. Juste au moment d'appuyer sur le déclencheur de l'appareil, il pinça le coup de la girafe. Un couinement perçant  me fit immédiatement bondir hors de mon siège qui bascula violemment sur les pieds nus de mon maître, et je fondis sans demi-mesure sur l'objectif.

Tout vola en éclat par la faute du photographe, qui s'obstinait à vouloir sauver la girafe de mes crocs.

J'étais comme hors de moi. Je retrouvai une vitalité explosive, alors que le doux rêve que j'avais touché du bout des pattes, m'avait plongé, l'espace de quelques minutes, dans le sommeil lénifiant de celui qui avait accédé à la clef de ses songes.

Mes maîtres hurlaient après moi, et la girafe affolée ne cessait de couiner entre les mains de mon bienfaiteur-arrangeur de rêves.

Il me fallut un certain temps pour comprendre que je venais de saborder l'unique tentative d'accéder à ma vie idéalisée, et cela, juste à cause d'une girafe qui couine.

Le photographe ne m'en voulut pas. Il m'expliqua que ma réaction était naturelle, car l'obsession de la réalisation des rêves nous arrache à la vie et nous prive de notre instinct.

Avec moi, l'instinct était revenu avec force, ce qui était peut être le signe que j'étais plus doué pour les rêves, que pour leur réalisation.

C'était bien là mon intuition de chien indolent, et je lui avouais même avoir fait un contresens sur le verbe « exhausser ». Pour moi, cela revenait à être « ex-ossé », c'est à dire à se voir priver de ses os, et donc de sa substantifique moëlle.

En réalité, tous les chiens font ce contresens. C'est pourquoi nous nous méfions des réalisateurs de rêves dont regorgent la Société des hommes.

Il nous semble que plus les hommes sont exhaussés, plus ils deviennent creux, comme une carcasse que l'on viderait progressivement, jusqu'à devenir un simple cliché, une sombre caricature d'eux-mêmes.

Le photographe à l'air mutin me tapota la tête, ne partageant qu'à moitié mon avis. Il m'invita, amusé, à regarder du côté du plateau.

Sur la scène dévastée, ma patronne, assise sur mon siège, était en train de réordonner les plis d'une imposante robe qu'elle venait de revêtir. Un large chapeau lui dévorait la tête, et de longues boucles blondes s'en échappaient, qu'elle faisait danser sur un décolleté corseté, en agitant un éventail.

A ses côtés, un commandant en culotte courte devisait avec elle sur les bienfaits des embruns qui  ravivaient les teints les plus fatigués. Il tirait sur sa pipe, l'air soucieux, le regard lointain, à chacune de ses tirades. 

Et elle, ne sachant que dire, agitait les pieds en riant,  pour mieux laisser apparaître des bottines trop grandes.

Je compris alors que j'avais servi de simple alibi à ma patronne lorsqu'elle avait poussé la porte de la  boutique aux  miracles. Elle réalisait son propre rêve d'actrice!

Mais déjà notre vaillant Commandant de Bord montrait les premiers signes de lassitude face à l'humeur changeante de sa passagère qui désormais feignait la nausée, ne supportant plus l'agitation des flots. Elle poussa même le mauvais goût jusqu'à haleter d'inconfort.

C'est quand elle devint toute rouge, qu'il nous fallut admettre qu'elle ne surjouait plus, et que nous avions basculé dans le réel. Le capitaine en panique lâcha sa pipe et se jeta sur elle pour détendre les lacets du corset trop serré.

Leur rêve aussi, était en train de partir en vrille.

Il en resta néanmoins une photographie mémorable mais finalement jugée peu en phase avec la retenue observée à l'époque devant un photographe, et surtout sans aucun rapport avec mon rêve initial.

En définitive, seul un rêve avait persisté: celui du photographe. Il avait trouvé sa voie pour un petit temps, qui était d'offrir aux hommes et femmes de tout âge de s'abandonner avec fantaisie et audace aux  distractions préférées des enfants : revêtir la peau et les passions d'un autre, juste le temps d'un jeu...Et leur permettre ensuite de retrouver, rassasiés, le chemin de l'école.


L'enchanteur et sa famille

Photo Rétro Carnac | Facebook
Contact - Photo Rétro Carnac (photo-retro-carnac.fr)