mercredi 18 mars 2009

Bug est mort, vive le Groin!



J’ai bien peur d’avoir croisé le chemin d’un sorcier. Peut être est-ce le chat qui m’a jeté un sort ?

Je me souviens qu’un jour, ce petit fauve d’appartement m’a dit :

« Tu t’obstines à mépriser mon mystère à défaut de pouvoir le percer. Avec ton air goguenard, tu te ris de mon amour silencieux des choses inertes et mobiles. Je ne suis pas le seul à être la cible de tes moqueries : tu fais tourner en bourrique notre patronne nourricière. Il te faut toujours trouver un os à ronger car tu crois ainsi faire progresser ta pensée. Mais dans le fond, tu te nourris de détritus et de brides de pensées mal digérées qui ne sont là que pour justifier tes facéties et ton oisiveté. Te crois-tu chien philosophe ? Tu as autant de sagesse qu’un pourceau satisfait ! »

Depuis, mon museau s’est épaissi et mes narines se sont dilatées. Mes oreilles se sont raccourcies et mon ouie est devenue moins fine. Je ne trouve plus d’os à ronger et j’ai renoncé à ma quête. Je vais là où mon groin me mène.

A quoi bon s’obstiner à nourrir et satisfaire un désir plutôt qu’un autre puisque mon nez fouineur se satisfait d’un nombre incalculable de plaisirs imprévus que je déniche au hasard de mes piétinements.

Les livres m’ennuient et la poésie me rase.

Quand je ravage les beaux jardins et que je me roule ensuite dans l’eau fangeuse, je surprends parfois le chat m’observer de son balcon, avec délectation. A moins que ce ne soit avec stupeur….

Je n’ai jamais su lire dans le regard d’un chat.

Mais sa froide distance ne m’intimide pas. J’ose lever mon misérable regard de porcelet vers sa Grâce éternelle :

«- Et toi ? As-tu songé à percer le mystère du pourceau satisfait ? Le crois-tu donc si débile et si grossier ? Méprises-tu à ce point le cochon que tu crois m’infliger une sanction ? Sache que par ta malédiction tu me rapproches encore davantage de l’homme et que tu fais de moi un être qui jouit d’un odorat des plus raffinés; je n’ai pas mon pareil pour flairer les truffes alors qu’auparavant, mon orgueil imbécile me faisait défense de labourer la terre de mes griffes. »

« - Oui, le Mouchu ! Mieux vaut renoncer à toutes vanités lorsque l’on trouve plaisir à se vautrer dans l’eau marécageuse !»

« - Je ne me « vautre » pas dans la boue. Ignorais-tu que les porcs n’ont pas de glandes sudoripares et ne peuvent réguler leur chaleur corporelle qu’en cherchant l’humidité du sol ? Ma condition n’est pas des plus belles et mon apparence sûrement pas des plus flatteuses mais je suis doté d’excellentes capacités d’adaptation qui font de moi un animal aux capacités cérébrales insoupçonnées. Et j’aime plus que tout celui qui m’appelle «Le Groin » car ce surnom révèle avant tout mes qualités. Savais-tu que le même homme t’appelle en secret « Jo la Misère» à cause de tes miaulements qui ne sont que plaintes et revendications ? »

« - Que veux-tu ? C’est la crise ! Même les chats les plus gras ont le droit de s’en plaindre. Et il est vrai que mon espèce, devenue paresseuse, n’a plus les moyens d’affronter les tourments. Le progrès ne peut être et ne doit être que la promesse d’une vie aussi douce et moelleuse qu’un siège de monospace. Je ne redeviendrai pas chat de gouttière ».

« - Ta position se défend aussi. Il faut croire que la course au progrès vise à pallier ou anticiper la dégénérescence de tes congénères. Peut être dans le fond que la crise n'est qu'un répit donné au progrès pour permettre aux endormis de reprendre du poil de la bête."