Avis au lecteur: suite au décès de Bug survenu à la fin du mois d'août
2016, ce blog change de propriétaire.
Votre nouveau serviteur doit vous prévenir : il ne s'épanchera pas
sur ses humeurs, réflexions intimes ou autres rêveries qui sont tout autant
de prétextes à flatter son ego, et se donner une consistance humaine à
laquelle il préfère renoncer tout de suite.
Votre nouveau serviteur aime les canards et entend que ce blog leur soit
en bonne partie consacré.
Il aime également qu'on ne le contrarie pas lorsqu'il est sur une bonne
piste. S’il flaire du gibier, il sera sourd à tous les appels et rappels,
indifférent aux hurlements rageurs ou encore aux supplications incessantes de
revenir au pied.
Cependant, il me faut me soumettre à une volonté, celle de mon prédécesseur
qui, dans son testament, a conditionné la reprise de son blog au "Bon
respect de ce qui a été, ce qui est, et ce qui sera". Quitte à
éditer des règles, autant qu'elles soient incompréhensibles et inefficaces.
Ce qui a été...Et ce qui n'est plus donc… A moins que ce qui a été, ce qui est, ce qui sera ne soit une seule et même chose...
Pour moi, les choses étaient bien claires jusqu'à présent, je n'ai jamais suivi qu'une seule piste: |
Le secret d'une vie bonne est de savoir reconnaître ce qui doit mourir et le laisser mourir.
Vous le comprendrez plus facilement à la lumière de mon histoire.
Il y a près d'un an, un cabot errant s'est livré aux services d’hygiène et de salubrité de la commune d’Agen pour intégrer le Service Public de la Fourrière.
Par cet enfermement consenti, il a tué
également l’espoir de retrouver le Maître qui avait criblé joyeusement son
arrière train de plombs à volatiles, histoire de stimuler son âme de chasseur.
Quelques jours avant sa reddition, il
avait reconnu et accepté l’agonie de sa liberté, lorsqu’à se nourrir de glands
et de déchets organiques en pleine forêt, ses forces vitales l’abandonnèrent, laissant
son instinct le conduire à la ville.
J'ai oublié tout ce qui avait fait de
moi un cabot de mon espèce, lorsque je me suis trouvé exilé à l'autre bout du
monde, au refuge de Chamarandes, où j'ai rejoint une centaine d'autres
loufiots, venus de France Métropolitaine et d'Outre-Mer.
Puis, une drôle s'est présentée devant
mon box, le jour même qui suivit mon arrivée.
Elle était alors hésitante car la
bénévole ne pouvait lui donner aucune indication sur mon caractère. Or, il lui
fallait embaucher un chien capable d’accompagner un congénère dans ses vieux
jours. J’ai su ensuite que son vieux chien avait lui-même été choisi 13 ans
plus tôt, pour assumer les mêmes fonctions d’auxiliaire de vie, mais auprès
d’un vieux père.
Toujours en présence de la bénévole, Bug m'a été présenté à la sortie du refuge, avec beaucoup de précaution. Il m'a jaugé d'un air las et semblait surtout pressé de reprendre place dans la voiture, tel un vieux parrain sicilien qui accorde sa bénédiction à une nouvelle recrue.
Durant un printemps et presque tout un
été, Je l'ai suivi dans ses déplacements, ralentis par une arthrose sévère.
Nous avons partagé de bons gueuletons ainsi que les joies quotidiennes
des sorties. J’ai imité quelques temps son incontinence, pensant qu’il était
naturel de se laisser aller sur le tapis ou un pan de rideau. Il se jouait de
mon côté encore sauvage et innocent, non habitué à la vie en appartement mais
curieux d'apprendre à ses côtés les bizarreries de la vie citadine.
Nous avons voyagé en touristes, dans le Périgord, au moment des floraisons et des bonnes odeurs. Ce
que j’ai pu être malade dans la voiture sur ces petites routes ondulantes et
indécises, qui provoquaient l’extase de mes nouveaux maîtres! Bug est resté
imperturbable, quoique gêné par mon état nauséeux. Il adorait rouler.
Puis, j'ai connu avec lui mon premier été à Carnac. A la fin du séjour, il s'en est allé. Je l’ai laissé partir chez le vétérinaire,
sans le voir revenir. Ses maîtres ont tiré les rideaux à leur retour. Leurs
yeux les brûlaient.
Egoïstement, je questionnais mon destin. Le chat ne pouvait pas me sentir. La drôle et Gaston (il m'a bien fallu leur trouver un nom) ne chassaient pas. Le motif principal de mon adoption avait disparu, réduit en cendre.
Le lendemain, je compris qu’une nouvelle
mission m’était confiée.
Le jour à peine levé, la Drôle ne
pouvait pas se retenir: il fallait qu'elle parte en promenade et qu'elle goûte
sans attendre l'air nouveau. Les promenades matinales ne venaient donc pas
satisfaire seulement les besoins du bon vieux Bug.
Chaque matin, il est impératif de la
sortir, quelque soit le temps, et je m'acquitte de cette nouvelle fonction
parfaitement. J'ai même cru pouvoir l'initier à la chasse mais ni les mouettes,
ni les canards ne l'intéressent. Parfois encore, je reste comme un idiot, assis
à ses pieds, à attendre ses instructions. Vas y, va chercher le coin-coin! Mais
rien...J'y cours quand même.
J'ai pleinement accepté la perte de mon
bon ami. Mon humeur n'est jamais à la nostalgie. Nous les bêtes, nous sommes
très familiarisées avec le cycle Vie/Mort/Vie.
C'est pourquoi notre vie est bonne, en
général, car elle accueille beaucoup en ne s'obstinant pas à être sélective. On
prend ce qui vient et on accepte ce qui meurt, pour donner une chance à ce qui
doit arriver.
C’est donc ça, mon bon ami, ta dernière
volonté ? Que je ne m’éloigne jamais
trop de cette évidence, en m’incrustant chez toi ?
Nous avons été, sommes et serons toujours des chiens sauvages et innocents. Je ne l’oublie pas.
Nous avons été, sommes et serons toujours des chiens sauvages et innocents. Je ne l’oublie pas.
Au fait, je m'appelle Garou et mon nom fait
trembler tous les canards de Versailles.
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