lundi 7 avril 2008

Petit, je craignais de changer de dimension

Matinée du 7 avril, promenade enneigée,
dans une autre dimension

Il existe une autre dimension, par delà celle des hommes. Une dimension aussi vaste que l'univers et aussi intemporelle que l'infini. Elle s'étend aux frontières de l'ombre et de la lumière, de la science et de la superstition, elle transcende toutes nos peurs et dépasse toutes nos connaissances.

Et nous voilà repartis pour un aller simple! Titititi titititi titititi titititi PAMPAM!

Pourquoi faut-il qu'il pleuve...Pourquoi faut-il qu'elle meuble ce sombre après-midi à visualiser l'intégralité de la Saison 1? Une série vieille d'un demi siècle!

Cette musique finit par me mettre à crocs.

A 17h00, chez Madame Josette, nous ne partions pas aux confins des ténèbres. A cette heure là, nous avions le bon goût de prendre le thé.

Je deviens vaguement nostalgique.

Apprêtez-vous à entrer dans une nouvelle dimension qui ne se conçoit pas en terme d'espace mais où les portes entrebâillées du temps peuvent se refermer sur vous à tout jamais.


Mais qu'elles se referment une fois pour toutes, nom d'un chat! Je n'ai jamais autant aspiré au repos. Titititi titititi titititi titititi PAMPAM!

Je vois bien que même le chat a les yeux révulsés.

Je vous présente James W Corry.

Son univers: une cabane et une vieille voiture rafistolée qui ne peut l'emmener nulle part parce qu'il ne peut aller nulle part.

Pour votre information, James W Corry est un criminel en train de purger sa peine. Il devra passer l'intégralité de sa détention sur cette planète isolée, véritable prison à ciel ouvert, à 9 millions de km de la terre.

Vous avez devant vous un homme confronté aux rigueurs du soleil et du froid...Un homme qui se meurt de solitude.

Là, je commence à me sentir mal à l'aise: Il n'a même pas un drôle de chien-chien pour lui tenir compagnie?

J'ose à peine regarder ces images sinistres car la solitude ou la simple évocation de la solitude m'est rigoureusement contre indiquée. Le vétérinaire l'a bien dit: je fais de l'anxiété de détachement.

C'est comme une sorte d'allergie.

Rien que de voir ce bougre en train de faire une partie d'échec contre lui-même, j'ai des bouffées de chaleur et surtout, une irrépressible envie de réduire en miette la garniture du canapé (c'est un symptôme habituel pour les chiens souffrant d'anxiété de détachement)

Le premier tableau de chaque épisode présente le plus souvent une scène d'une singulière banalité et l'atmosphère n'en est que plus inquiétante.

Le sentiment d'isolement est encore plus effroyable lorsque l'individu s'obstine à l'ignorer, ou lorsqu'un triste pantin se trouve à évoluer dans la foule, une foule mobile, toujours affairée à ses activités quotidiennes.

Pourtant, cette foule ne vous paraît pas froide et insensible; Elle est même souvent humaine et pleine de bonne volonté.

Simplement, un être va lui échapper totalement.

Elle n'en a pas conscience et n'en aura jamais conscience, contrairement au protagoniste principal.

C'est bien le ressenti de ce décalage qui est insupportable, d'autant plus insupportable qu'il ne conduit pas à la folie: la victime aura jusqu'à la fin conscience d'avoir été projetée, de façon irréversible, dans un univers fait de solitude et de néant, un univers que côtoie notre quotidien sans ne jamais le rencontrer.

Ce voyageur solitaire finira par avoir le sentiment de n'avoir jamais existé.

L'enfer de l'isolement, qui renvoie à la négation de l'existence, n'épargnera pas non plus ce passionné de lecture qui n'aspirait paradoxalement qu'à une profonde solitude.

Ce personnage se réjouit d'être le seul survivant de la bombe atomique car celle-ci a épargné également une multitude d'ouvrages que la bibliothèque nationale, sinistrée, a recrachés.

Un autre miracle: toutes les provisions alimentaires sont restées intactes.

Et bien mieux encore: dans ce paysage de ruines, un canapé lui tend les bras.

Mais à peine a t'il le temps de prendre conscience de la réalisation de son fantasme, qu'un drame plus terrifiant que la destruction de la planète survient...

Que va t'il advenir d'un myope qui vient d'écraser bêtement ses lunettes, dans une situation aussi extrême?

On n'a même pas envie de sourire.

La leçon personnelle que j'en tire est qu'un homme privé de sa créativité et de ses rêves est un homme qui subit un sort bien plus redoutable que la mort. C'est un homme condamné à ne vivre qu'à travers les besoins que crée pour lui la société et qui n'est pas armé pour affronter la solitude, recherchée ou non.

Cette série télévisée semble faire de la solitude des hommes une tragédie pas seulement quadridimensionnelle car ces drames silencieux surviennent dans un monde qui nous est très familier. La fiction n'est qu'un simple prétexte, le but inavoué étant de chercher à sonder l'âme humaine, décidément bien ténébreuse, dont le destin ultime semble être de combattre, seule, ses démons. L'homme n'aura d'autres choix que de se trouver, un jour ou l'autre, face à lui-même.

Je me demande si notre agitation souvent fébrile ne vise pas inconsciemment à retarder ce moment, au risque de tomber dans une logique inverse: l'excès de travail et de comportements consuméristes pourraient très bien au contraire endormir et fragiliser les esprits, les laissant encore plus démunis face à l'inconnu.

Lorsqu'elle laisse son esprit vagabonder en pleine journée de travail, ma patronne n'a pas du tout le sentiment d'être improductive: bien au contraire, elle apprivoise autant que possible le néant, et veille ainsi à ne pas sombrer dans la quatrième dimension.

Toute cette démonstration pour en venir à justifier ses périodes d'inertie...c'est un peu tiré par la laisse, enfin je veux dire un peu forcé comme raisonnement...
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Le sixième épisode vient de débuter: Je sais ce qu'il vous faut. Un vieux marchand sympathique et bienveillant vend ce qu'il vous faut. Disons surtout qu'il devine ce qu'il vous faut, mais déjà je retiens mon souffle...je suis redevenu le jeune chiot qui commence à comprendre qu'à l'âge adulte, on ne maîtrise pas plus l'univers.

Nous sommes transportés dans une autre dimension, une dimension faite non seulement de paysages et de sons, mais surtout d'esprit; un voyage dans une contrée dont les frontières sont notre imagination, un voyage au bout des ténèbres où il n'y a qu'une seule destination: la quatrième dimension.

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