vendredi 19 février 2010



Dans son ascension matinale, le volet en PVC laisse se dérouler un paysage morne et mouillé.

Où sont donc parties les couleurs ? Comme le touriste de janvier à la peau délavée, elles refont le plein de pigments là où poussent les orchidées, les amaryllis et les roses de porcelaine.

En les attendant, je me tiens devant la fenêtre, triste et fatigué. Le chat a renoncé à guetter les sautillements d’un moineau. Je devine sa fourrure épaisse tassée sous un radiateur.

La seule joie que j’éprouve désormais le matin est d’entendre le chant de ma timbale en aluminium qui réceptionne la cascade de croquettes. J’accours alors comme un fou dans la cuisine, écarte d’un coup de museau nerveux le bras trop lent de ma patronne, et plonge mon groin dans les belles billes de viande broyée et séchée.

Puis je digère, pensif et repu, devant la porte-fenêtre du salon où le rien me tient compagnie.

En face de moi, une autre fenêtre, derrière laquelle une tâche rouge qui m’est familière, résiste toujours à la grisaille.

La pluie crachée par le ciel sombre n’est pas assez forte pour la désincruster. Elle ne fait qu’en dissoudre les contours.

Je bouge ostensiblement, écrase ma gueule contre la vitre, et la tâche se déploie telle une fleur miraculée. La gamine au pyjama rouge lève un bras et me fait signe de la main. A moins que ce ne soit à ma patronne, qui vient d’ouvrir les volets.

Dans le doute, nous lui répondons tous les deux.

Puis, pendant que ma patronne trouve à s’agiter, je reste immobile à questionner la fillette de mon regard doux: ta maman n’est t’elle pas en train de verser tes chocapics dans la gamelle ? A quoi penses-tu de bon matin à observer un chien qui ne ressemble à rien ?

La gamine, de me répondre rêveusement: Est-ce obligé de penser à quelque chose? Est-ce obligé de ressembler à quelque chose ? C’est tout nouveau pour moi, je me questionne sur des choses qui n’en sont pas vraiment. Avant quand j’étais petite (c’était quand j’avais 5 ans), je ne cessais pas de questionner mes parents avec les « Pourquoi »…tout le temps. Encore plus avant, c’était avec les « C’est quoi ça ? ». Il me fallait un nom sur chaque chose et connaître sa destination! J'adorais ranger les cubes, les boules, les triangles en plastique dans leur moules correspondants et j'étais même fière d'y parvenir. Maintenant que je suis grande, ça ne m’intéresse plus. C’est trop de boulot inutile. J’entre dans l’ère du Comment.

Comment ?

Ben oui, comment….Comment je ferai pour vivre quand je n’aurai plus mes parents, comment c’est le vide, comment c’est la mort… Comment je serai quand je serai plus grande, plus vieille ? Comment veux-tu que mes parents répondent à ces questions ? Rien qu’une fois, je leur ai demandé comment nous pourrions faire, tous, pour vivre dans le même appartement quand j’aurai moi-même mes enfants et mon amoureux. Ils ont ri alors qu’ils feraient mieux de songer sérieusement à la question. C’est là que j’ai compris leurs limites. Et toi, penses-tu encore aux Comment ?
.
Parfois…mais ça reste trivial, pour les petites choses de la vie courante. Par exemple : comment faire pour avoir une couche plus mœlleuse, plus de croquettes, comment avoir le poil plus soyeux…et quand je bloque sur un Comment plus important, je trouve refuge dans les médias chez lesquels je suis sûr de trouver une multitude de petites réponses, même aux grandes questions. Nous nous empressons toujours d’avoir de toutes petites mais d’innombrables réponses. Et je ne parle pas de toutes ces réponses nées prématurément de questions qui n’ont pas pris le temps d’accoucher. Cette surpopulation de réponses abandonnées très souvent dans des ghettos juridiques et administratifs a elle même donné naissance à des problématiques foireuses ou stériles qui ensuite donneront lieu à...

On peut revenir à ma question?

Si tu veux, j'aime bien les questions, ça me change des réponses. Les réponses ne sont rien d'autres que les gouttelettes d'un nuage qui, à force de surcharge et de condensation, retombent en pluie pour alimenter davantage les lacs et les mers de questions.

A t'entendre, les réponses se dispersent ou s'évaporent à peine formées. C'est facile de dire qu'il n'existe que des réponses éphémères ou changeantes. A quoi sert une question sans vraie réponse? A quoi sert une personne qui n'a aucune vraie réponse?

Sans doute à la même chose qu’une personne qui sait tout. Une seule question suffit à tuer beaucoup de réponses. As tu déjà vu une seule réponse tuer une question?

Si tout le monde pensait comme toi, ce serait le Bug permanent! On se demanderait toujours si notre planète est ronde ou carrée, à l'heure où n'importe qui peut en avoir un cliché. Faut être aveugle pour se poser encore la question!

Et pourtant, si la géodosie est une science toujours actuelle, c'est bien que la question a survécu. J'ai même découvert que la forme de notre planète animait encore les débats chez le quidam sur divers forum du net! Fais donc l'expérience de lancer le débat sur un forum, voilà ce que tu pourras lire:

"Questions résolues

De quelle forme est la terre?

- Bonjour, je sais que la terre n'est pas ronde mais de quelle forme est la terre merci
- la surface de notre planète est légèrement plus aplatie au pôle Sud, moins au pôle Nord, avec des creux (sud de l'Inde) et des bosses ( Islande, Nouvelle Guinée).
• Il y a 6 mois
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- La terre n'est pas ronde mais elle a la forme d'un sphéroïde. Voici, sa forme réelle un peu exagérée :
http://www.cnes.fr/automne_modules_files…
http://www.linternaute.com/video/extrait…
En espérant avoir répondu à ta question…
Amicalement…
- bonjour,
la terre à une forme ellipsoïde, ronde et légèrement aplatie aux pôles, et plus précisément par le géoïde. Le diamètre approximatif de référence est de 12 742 km.
- Bonsoir,
En disant qu'elle est sphérique, l'erreur commise est extrêmement petite.
- Je dirais que l'erreur commise est extrêmement grande car, la terre n'est pas creuse, c'est proche d'une boule si tu veux !
- Bonjour !
La Terre a la forme d'une orange, Ronde globalement mais un peu écrasée au niveau des pôles.
Bonne soirée à tous
- La Terre est bleue comme une orange, Paul Eluard.
- Tiens un nouveau pseudo ! A votre avis, Paul est rond comme un pétard ou comme une bouteille de whisky?
- Ouais, je disais donc que la Terre subit la force centrifuge qui tend à élargir le globe au niveau de l'équateur.
- c’est vrai, elle est légèrement plate à chaque pôle et possède un renflement au niveau disons de l'équateur....
- Comme une patate ?
- Je dirai plutôt qu’elle a la forme d'une pastèque mexicaine.
- Tu veux l'habiller en plus?
- Hé les mecs, vous savez que Galilée n'a été réhabilité par l'Eglise de Rome qu'en 1992!! Excommunié pendant plus de trois siècles pour une réponse contraire au dogme chrétien.
- Tu parles de l'héliocentrisme, là...c'est pas le sujet de savoir si elle tourne autour du soleil!
- Parce qu'elle tourne en plus? On peut savoir où j'ai mis les pieds, là? Sur une grosse patate ou sur une toupie?
- Retiens que la terre est de forme Pomme de terroïde!
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o Signaler un abus" etc...

HE HO...?.....Trop long l'extrait... la tâche rouge qui a résisté jusqu'ici à toutes les intempéries s'est dissipée...

C'est bien ma veine... je me demande si j'ai un talent particulier pour décourager les meilleures volontés. Comme à chaque fois que je me laisse envahir par un sentiment d'abandon, j'observe le chat sans espérer de réconfort bien sûr, mais au moins dans l’espoir qu'il brise cette inertie insoutenable.

Un évènement inespéré se produit: le voilà qu'il se libère du radiateur, se déroule dans un mouvement infini jusqu'à étendre devant moi sa gorge douillette puis, ignorant les lois de l'attraction terrestre, se redresse pour me donner le spectacle rituel de sa patte arrière aspirée par le ciel.

Déjà en suspension partielle, son corps entier est prêt à se livrer aux joies de l'apesanteur mais, comme toujours, son museau capricieux en décide autrement: indifférent aux miracles, il préfère s'adonner avec application à la toilette intime, oubliant sa patte arrière, toujours étirée vers le haut.

Faut-il qu’il prenne des airs de danseur de ballet pour accomplir cette besogne? Croit-il m'impressionner avec ses pas de chats, ses arabesques et ses ronds de jambe? Il est pourtant impossible de ne pas être hypnotisé par ses manières.

Une réflexion me vient.

L'artiste interroge. L’oeuvre d'art est une tentative de réponse qui une fois exposée, perd fatalement une part de sa vérité et de son intensité pour son créateur. C’est la raison pour laquelle l’artiste ne peut être qu’insatisfait et que sa quête ne connaît pas de fin. Le chat a un avantage considérable sur lui: il est à la fois artiste et œuvre d’art.

De là lui vient son absolue maîtrise: comme dans un jeu machiavélique de miroirs que rien ni personne ne peut interrompre, questions et réponses se font face et se perdent dans une mise en abyme vertigineuse. Le ronronnement du chat est en réalité une redoutable machine à broyer lumière et obscurité, doutes et certitudes, confusion et solitude, chaos et ordre. Je comprends alors que son calme n'est qu'apparent quand il s'efforce, jusqu'au bord de ses yeux, de contenir le déluge.

Pourquoi affronter la foule au Grand Palais quand, non loin du Petit Palais rose de mon chat, un tableau de Turner surgit de ses prunelles.

Le chat m'a enfin répondu favorablement.

Il a bien voulu briser cette inertie insoutenable. Je me livre désormais à une contemplation tout à fait soutenable.

mercredi 18 mars 2009

Bug est mort, vive le Groin!



J’ai bien peur d’avoir croisé le chemin d’un sorcier. Peut être est-ce le chat qui m’a jeté un sort ?

Je me souviens qu’un jour, ce petit fauve d’appartement m’a dit :

« Tu t’obstines à mépriser mon mystère à défaut de pouvoir le percer. Avec ton air goguenard, tu te ris de mon amour silencieux des choses inertes et mobiles. Je ne suis pas le seul à être la cible de tes moqueries : tu fais tourner en bourrique notre patronne nourricière. Il te faut toujours trouver un os à ronger car tu crois ainsi faire progresser ta pensée. Mais dans le fond, tu te nourris de détritus et de brides de pensées mal digérées qui ne sont là que pour justifier tes facéties et ton oisiveté. Te crois-tu chien philosophe ? Tu as autant de sagesse qu’un pourceau satisfait ! »

Depuis, mon museau s’est épaissi et mes narines se sont dilatées. Mes oreilles se sont raccourcies et mon ouie est devenue moins fine. Je ne trouve plus d’os à ronger et j’ai renoncé à ma quête. Je vais là où mon groin me mène.

A quoi bon s’obstiner à nourrir et satisfaire un désir plutôt qu’un autre puisque mon nez fouineur se satisfait d’un nombre incalculable de plaisirs imprévus que je déniche au hasard de mes piétinements.

Les livres m’ennuient et la poésie me rase.

Quand je ravage les beaux jardins et que je me roule ensuite dans l’eau fangeuse, je surprends parfois le chat m’observer de son balcon, avec délectation. A moins que ce ne soit avec stupeur….

Je n’ai jamais su lire dans le regard d’un chat.

Mais sa froide distance ne m’intimide pas. J’ose lever mon misérable regard de porcelet vers sa Grâce éternelle :

«- Et toi ? As-tu songé à percer le mystère du pourceau satisfait ? Le crois-tu donc si débile et si grossier ? Méprises-tu à ce point le cochon que tu crois m’infliger une sanction ? Sache que par ta malédiction tu me rapproches encore davantage de l’homme et que tu fais de moi un être qui jouit d’un odorat des plus raffinés; je n’ai pas mon pareil pour flairer les truffes alors qu’auparavant, mon orgueil imbécile me faisait défense de labourer la terre de mes griffes. »

« - Oui, le Mouchu ! Mieux vaut renoncer à toutes vanités lorsque l’on trouve plaisir à se vautrer dans l’eau marécageuse !»

« - Je ne me « vautre » pas dans la boue. Ignorais-tu que les porcs n’ont pas de glandes sudoripares et ne peuvent réguler leur chaleur corporelle qu’en cherchant l’humidité du sol ? Ma condition n’est pas des plus belles et mon apparence sûrement pas des plus flatteuses mais je suis doté d’excellentes capacités d’adaptation qui font de moi un animal aux capacités cérébrales insoupçonnées. Et j’aime plus que tout celui qui m’appelle «Le Groin » car ce surnom révèle avant tout mes qualités. Savais-tu que le même homme t’appelle en secret « Jo la Misère» à cause de tes miaulements qui ne sont que plaintes et revendications ? »

« - Que veux-tu ? C’est la crise ! Même les chats les plus gras ont le droit de s’en plaindre. Et il est vrai que mon espèce, devenue paresseuse, n’a plus les moyens d’affronter les tourments. Le progrès ne peut être et ne doit être que la promesse d’une vie aussi douce et moelleuse qu’un siège de monospace. Je ne redeviendrai pas chat de gouttière ».

« - Ta position se défend aussi. Il faut croire que la course au progrès vise à pallier ou anticiper la dégénérescence de tes congénères. Peut être dans le fond que la crise n'est qu'un répit donné au progrès pour permettre aux endormis de reprendre du poil de la bête."

vendredi 5 décembre 2008

A mon humble avis

- Suivant les conseils de mon psy, j'ai entrepris cet après-midi de faire la liste des qualités objectives spécifiques des chats. La réponse est aucune.
Dessin et texte de Voutch
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mardi 2 décembre 2008

Dont acte


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- Dans le vieux parc solitaire et glacé,
Deux ombres ont tout à l'heure passé
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Leurs yeux sont morts, et leurs lèvres sont molles
Et l'on entend à peine leur parole
Et.
Ça t'évoque quoi?

- Rrrr......

- C'est le début d'un poème de Verlaine...Tu veux que je poursuive? Si on essayait de s'émouvoir tous les deux, pour passer le temps. J'aime ce poème parce qu'il...

- Rrrr......

- J'ai remarqué que tu traversais les années et les saisons avec le même flegme imperturbable. Les premiers flocons de neige ne t'ont fait ni chaud ni froid?

- Rrrrr........

- Ce matin, la pièce d'eau avait revêtu son costume de tragédie. Pas âme qui vive...juste cette brume stagnante qui étouffait la lumière habituellement reflétée par l'étang. Toutes les couleurs s'étaient éteintes par je ne sais quel maléfice. Je marchais du bout des pattes, de peur de réveiller une divinité en sommeil. Et puis soudain... le voile s'est levé sur deux silhouettes dont je n'aurai jamais soupçonné la présence. Tu frissonnes là?

- Rrrrrrrr.....

- Dans le vieux parc solitaire et glacé,
deux spectres ont évoqué le passé...

- Rrrrrrrrrrr....

- Je vois bien que tu connais la suite. Dis moi la suite, je suis sûr que tu la connais! Allez! - Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom?
Toujours vois-tu mon âme en rêve?


- Non

- Oui, c'est ça! Ah les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos...
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- C'est possible

- Ah non, tu m'as coupé! laisse moi finir. Qu'il était bleu, le ciel, et grand l'espoir

- Rrrrrr.....- L'espoir a fui, vaincu vers le ciel noir....Rrrrrr....

- Ah, ces vers sont saisissants! ça te friserait les moustaches de t'émerveiller un peu? Si seulement tu pouvais cesser ce bruit de moteur sourd qui te viens de je ne sais quel organe...La beauté doit bien t'inspirer autre chose que ce regard fixe et absent, hein? C'est beau, non?

- Dont acte.

- Pardon?

- Je suis un greffier. Je prends acte de la beauté des choses comme des variations climatiques mais ne puis rien faire d'autre.

- Pauvre greffier ronronnant! Tu es donc réduit à prendre acte de l'effervescence de la vie comme de la beauté d'un poème...

- Pire encore, je suis condamné à savourer le rien et l'infini, à longueur de journée....Rrrr......

lundi 17 novembre 2008

Comme d'habitude




"Pourquoi toujours mon arbre?"




WAWAWAWA! Tant pis si je dérange! Je me demande bien qui ça pourrait gêner de voir un chien heureux! WAWAWAWAWA!



Cela fait déjà vingt cinq minutes que je me prépare à un bonheur imminent. Je viens enfin d'entendre le ronronnement de la grille automatique qui prend son temps pour coulisser, puis une porte de garage qui se referme lourdement. Vient le joyeux tintement des clefs actionnées dans la serrure de la boîte aux lettres. Mes aboiements redoublent d'énergie lorsque j'entends le froissement des enveloppes mêlé au son familier des talons qui résonnent dans la cage d'escalier.

Au premier tour de verrou, mes pattes deviennent folles et me font faire des cercles toujours plus rapides autour de moi, comme si je me transformais en turbine capable d'accélérer le temps.

Ce qui va se passer me rend fou de joie, c'est la raison pour laquelle je suis si impatient.

Je vais...comment dire ça sans vous paraître trop décevant...ah oui, je vais faire l'exploit de reproduire la journée d'hier et celle d'avant hier, avec la même fraîcheur d'esprit. Autrement dit, je m'apprête, comme tous les jours, à faire ma promenade du soir.

Ma patronne ne parvient pas à comprendre comment, après 2.060 jours passés à respecter les mêmes horaires et à se promener aux mêmes endroits, je continue à vivre mon quotidien avec un enthousiasme toujours aussi intact.

Elle ouvre la porte, pose le parapluie, change de chaussures, prend une casquette et soupire en s'emparant de ma laisse. Mécaniquement, elle me flatte le bout du museau, comme pour rendre hommage à mon indécrottable joie de vivre.

Le sol imprégné d'humidité me colle aux coussinets; la terre et le ciel sont noyés dans la pénombre et les branches déplumés des peupliers jouent à se faire peur, comme si elles étaient encore à Halloween. A l'orée de la forêt, on devine le chemin grâce à un projecteur solitaire, le seul dont l'ampoule n'a pu être atteinte par les gamins du quartier: c'est nuit de pleine lune.

Le moment idéal pour se concentrer et faire un voeu.

Alors, je me lance: je souhaite très fort que rien ne change profondément. Mes habitudes, j'y tiens comme si c'était mes enfants. Je les entretiens avec amour et quand il le faut, je leur fait prendre le large. Mais je les laisse revenir à moi avec toujours autant de bonheur.

Rêver d'un ailleurs, cela m'arrive souvent, partir et goûter à l'émotion d'une fugue, je n'y résiste pas toujours, mais rien ne me rassure autant que de pouvoir compter sur mes habitudes.

Il serait dommage de confondre habitude avec manie ou paresse. Le Larousse lui-même fait rimer l'habitude avec « aptitude », acquise par répétition. Grâce aux habitudes, je développe des capacités dont je n'ai même pas conscience.

Mais mon attachement aux habitudes fait-il de moi un chien prévisible?

Ma patronne pense que oui car, chaque soir, je vais marquer mon territoire sur le même arbre.

Elle ne voit pas cependant que j'appréhende mon arbre d'une façon toujours différente, côté nord, sud, est, ou ouest. Je lève tantôt la patte arrière droite, tantôt la patte arrière gauche. Tout dépend du vent, de la qualité de l'air et de l'angle qui me permettra en un seul jet, de laisser une empreinte la plus étendue possible. Je suis en progrès constant.

Comme à chaque fois, pendant que je procède à ces simulations hésitantes de marquages de territoire, je la vois qui passe d'un pied à l'autre en serrant les dents et en remontant son col.

Que mes habitudes et mes rituels l'exaspèrent par temps humide et froid, je le conçois mais j'en fais une question de discipline personnelle.

Les habitudes, c'est tout ce qu'il reste pour lutter contre la folie humaine, la course à la rentabilité et la logique infernale d'une libéralisation toujours plus aveugle et cynique. Les responsables eux-mêmes en appellent aux bonnes habitudes alimentaires, sanitaires et environnementales aux fins de nous inviter à nous protéger contre leurs propres décisions ou leur laissez-aller.

Les habitudes pourrait bientôt constituer une stratégie savante de survie. S'habituer à ne pas ingérer de pesticides n'est pas à la portée de la majorité. Quand certains tentent de s'habituer à bien manger, les autres ne peuvent que s'habituer à entendre les risques qu'ils encourent.

Et comme d'habitude, la narration d'un fait inconsistant me ramène à des préoccupations sans rapport avec mon récit initial.

Fort heureusement, je retrouve ma bonne humeur car je réalise que demain, il se passera quelque chose d'incroyable, enfin j'espère. Aux environs de 19h00, j'entendrai le ronronnement de la grille automatique auquel succèdera le grincement de la porte du garage.

Je vivrai encore le miracle d'une journée ordinaire, qui pourrait me laisser croire que rien ne change véritablement alors que ma forêt aura sans doute respiré, silencieusement, un peu plus de dioxyde de carbone.

lundi 20 octobre 2008

Temps mort










Renaud aurait aussi bien pu chanter que ce n'est pas l'homme qui prend le temps mais le temps qui prend l'homme.

Ici, c'est très différent. Du temps, vous en aurez à gogo. Vous pouvez vous en servir sans complexe, sans avoir peur de le laisser déborder.

Vous trouverez du temps qui passe à l’allure d’un TGV mais aussi celui qui s'écoule lentement, comme un robinet mal fermé.

Les temps durs et les temps lourds, ça ne se fait plus. Complètement Has been.

Nous vous proposons désormais des modèles très faciles à porter: du temps souple qui s'étire comme un élastique ou, pour les inconstants, du temps tellement léger qu'il finira par tourner…en temps de chien. C’est dire. On pense à tout le monde, c'est un véritable défilé.

Mais le plus rare, le plus insaisissable est le temps suspendu, celui après lequel je ne peux pas m'empêcher de cavaler.

Car c’est un moment à ne pas manquer, aussi important qu'une éclipse, celui où vous surprenez le temps en train de se suspendre, comme s'il voulait se tuer lui-même.

Cet instant suspendu, ce peut être celui où une station balnéaire sombre silencieusement dans une nouvelle dimension et se trouve rendue à une beauté sauvage et farouche chaque matin inégalée.

A ce moment là, tous les temps se réunissent pour rejoindre la mer et se transformer en une obsédante mélodie à quatre temps. C’est la plainte du temps qui se croit noyé ou mort.

Ici, on m'imagine soustrait au temps alors qu'au contraire, j' évolue dans le mécanisme même d'une horloge, dont le pendule est remplacé par le va et vient des marées. Dans cet endroit que l’on croit intemporel, le tic et le tac s'amusent à effacer mes pas et à affoler ma course qui veut échapper à l'écume.

Bienvenu dans les entrailles du temps, le temps universel, celui de l'éternel renouveau.

Ici, je veux croire en tout, à la sagesse et à la folie, à la joie et à la mélancolie, au pathos et à la fantaisie, aux fantômes et aux vivants. Il n'y a plus de crainte à avoir. J'ai trouvé le bon tempo et tant pis si je le perds à nouveau.

Il n y a rien de tragique à perdre son temps ni même à le traiter avec désinvolture. Le temps ne vous en voudra jamais. Bien au contraire, il reviendra de plus bel. Pas moyen de tailler la zone sans lui, il me colle maintenant à la peau.

Le temps et moi, c'est une histoire sans fin, sans que l'on sache vraiment qui court après l'autre.




L'Horloge, et son coucou



mercredi 24 septembre 2008

Balloon dog



















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Je veux tout: le passé, le présent, le futur
Ou plutôt rien: défaire les conjugaisons
Qui cloisonnent le temps. Puis jeter en pâture
Mon âme oubliée, vaisseau en flottaison

Je laisse aux doux rêveurs la quête du sublime
Et aux désenchantés le poids de l'absurde
Une fuite d'hélium m'a fait renoncer aux cimes
Mais je n'irai pas rejoindre les multitudes

Par bonheur, j'ai croisé le mécène Pinault
Faire des euros aide l'art à s'éléver
Juste des rondeurs moulées par un mégalo
Recyclent dans mes reflets les fastes passés

Ma couleur magenta nargue le sage Hercule
Dans le salon où sont peints exploits légendaires
Les touristes, en entrant, voient d'abord mon derrière
Qu'est ce le vrai génie? C'est savoir coincer sa bulle



Balloon dog, magenta, Jeff Koons

en haut: Balloon flower, yellow.